Lors de la réunion du conseil provincial de ce vendredi 13 juin 2025, j’ai été interpellé par le conseiller provincial Jean-Pierre Wilvers sur la fiscalité du personnel soignant.
Voici la réponse que j’ai apportée:
« Monsieur le conseiller provincial, cher Jean-Pierre,
Ta question met en lumière un enjeu important pour la continuité et la qualité des soins en province de Luxembourg mais également dans d’autres domaines professionnels, à savoir la problématique du changement de régime fiscal applicable au personnel habitant en France qui travaille en Belgique.
Il faudrait se poser également la question de la pertinence de poser cette question maintenant vu la prolongation annoncée par le Ministre Jambon de la dérogation jusque fin de cette année et les discussions prochaines prévues avant la ratification officielle de la Convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions.
Ma réponse se voudra donc rassurante.
Il est évident que cette situation s’inscrit dans un contexte plus large de pénurie de personnel, que nous combattons à l’échelle provinciale, depuis plusieurs années, avec les leviers qui sont à notre disposition.
Il manquerait selon les dernières estimations près de 30.000 postes d’infirmier en Belgique, tous secteurs confondus. Dans notre province, les mesures prises commencent à porter leurs fruits, même s’il y a toujours un besoin de personnel.
Par rapport à la prime que tu évoques, je rappelle que c’est en janvier 2022 que le Conseil provincial votait à l’unanimité l’octroi d’une prime d’attractivité de maximum 7.000€ pour le personnel infirmier engagé dans les hôpitaux de Vivalia.
Cette mesure constituait une des mesures phares entreprises par l’institution provinciale pour lutter contre la pénurie de personnel infirmier en général et, ici en particulier dans les hôpitaux de notre intercommunale de soins hospitaliers.
Elle a été effective entre le 1e janvier 2022 et le 31 décembre 2024. Selon moi et contrairement à ce que tu sous-entends dans ta question, si on analyse les statistiques qui ont été présentées en commission santé en janvier 2025, la subvention a porté ses fruits.
Rappelons quelques chiffres :
- 195 engagements en 2024 (5ème année record consécutive)
- 97 départs en 2024 (démissions et pensions). On note une diminution significative du nombre de départs (146 en 2022)
- Taux de maintien du personnel de 93% en 2024
La balance est donc positive en 2024 entre les engagements et les départs (+ de 50 ETP) et la pénurie diminue sur tous les sites.
La prime provinciale est une véritable plus-value en matière d’attractivité, c’est pourquoi j’ai souhaité poursuivre la dynamique de recrutement. En janvier 2025, le conseil a approuvé (avec 2 absentions) le prolongement de la mesure jusqu’au 31 décembre 2025, avec quelques petits changements :
- Un montant forfaitaire unique maximal de 5.000 €.
- La subvention est uniquement destinée aux infirmiers dont il s’agit du premier emploi dans leur carrière professionnelle.
Concernant une éventuelle prime spécifique pour certains sites, nous n’avons pas suivi votre proposition mais pas simplement en la balayant d’un revers de la main mais en estimant qu’il n’était pas pertinent d’appliquer un régime différent entre les travailleurs de Vivalia à partir du moment où la pénurie est présente sur chaque site.
Concernant l’attractivité du métier, Vivalia doit aussi jouer un rôle par rapport au maintien de son personnel.
Comme disait encore le ministre Yves Coppieters, ce mercredi au groupe de travail Santé de la Grande région : pour lutter contre la pénurie, le salaire n’est pas le seul levier. Le bien-être et la charge psychosociale sont également des éléments importants à prendre en compte.
Vivalia a d’ailleurs développé un vaste plan d’actions avec plusieurs mesures concrètes déjà mises en place : déploiement du Lean Management, accompagnement renforcé des nouveaux engagés, création d’une équipe mobile logistique, mise à jour des référentiels de compétences, développement des entretiens professionnels, politique de formation structurée et mise en œuvre du plan bien-être.
Doté d’un budget de 2,1 millions d’euros, ce plan se décline en 50 actions concrètes, articulées autour de trois grands volets. Le Programme d’Aide aux
Employés (PAE), lancé en mars 2024, offre à tous les membres du personnel un accompagnement psychologique et pratique, accessible à tout moment, en toute confidentialité.
Le déploiement d’espaces bien-être, amorcé en 2024, permet désormais aux équipes de bénéficier de lieux de ressourcement sur plusieurs sites. Pensés comme de véritables bulles de sérénité, ces espaces offrent des outils concrets de récupération (micro-sieste, luminothérapie, réalité virtuelle, massage…).
Enfin, les Jeudis du Bien-être ont été mis en place pour instaurer des habitudes positives et régulières. Ces ateliers mensuels de 30 minutes, proposés à Arlon, Marche et Libramont, abordent des thématiques variées : nutrition, bien-être physique, développement personnel. Chaque agent bénéficie d’un pass bien-être , valorisé sur le temps de travail, pour y participer.
En plus de ces trois mesures principales, plusieurs actions complémentaires ont vu le jour. Des espaces de convivialité extérieurs ont été aménagés dans plusieurs hôpitaux, afin d’offrir aux équipes des lieux agréables pour prendre l’air, se détendre et échanger entre collègues.
Vivalia a également investi dans du matériel ergonomique et innovant, avec notamment l’acquisition de tracteurs de lits qui facilitent le transport des patients et soulagent physiquement le personnel. À cela s’ajoutent d’autres investissements tels que des verticaliseurs, planches de transfert et tours de paramètres, contribuant à un environnement de travail plus sûr et plus adapté.
Par rapport à la stratégie pour rendre le métier suffisamment attractif sur le territoire, nous avons également développé plusieurs actions et outils, toujours en collaboration avec le personnel infirmer que nous avons rencontré à plusieurs reprises, tant au niveau hospitalier, dans le secteur des MR/MRS que dans les soins à domicile.
J’en profite pour rappeler l’excellent travail réalisé quotidiennement par l’équipe de la CAPS (Cellule d’accompagnement des professionnels de la santé) qui a été créée en 2016 pour lutter contre la pénurie de soignants sur le territoire et pour renforcer l’attractivité du métier.
Je cite quelques actions :
Au niveau du bien-être au travail et du maintien du personnel, nous avons organisé deux évènements importants en 2022 :
- Le 31 mars 2022 : une soirée intitulée Happy@work à l’attention du personnel soignant et des directions d’une institution de santé. Une dizaine d’intervenants experts ont proposé des outils concrets afin de favoriser le bien-être au travail. L’événement a rassemblé une septantaine de personnes.
- Du 9 au 19 mai 2022 : un escape game santé. Le but était que les professionnels de soin prennent conscience de l’importance de prendre soin d’eux. Pour qu’ils puissent développer une relation de soin la plus optimale et bénéfique possible avec leur patient et apprécier leur profession. Le bilan était très positif avec 200 membres du personnel soignant présents et 98% des participants satisfaits.
En 2022, nous avons également lancé un site Internet qui reprend, en un seul endroit, plusieurs informations utiles (offres d’emploi, actus, écoles, etc.) : https://jesuisinfirmier-e.be
Une grande campagne de communication visant à mettre en valeur le travail d’infirmier.es a également été lancé cette année-là. Quelle surprise quand nous entendons le Ministre Coppieters reprendre cette idée dans les mesures d’attractivité envisagées au niveau wallon.
Pour les étudiants, nous avons développé l’événement intitulé « Soirée d’accueil : prépare ton parcours en soins infirmiers ! » pour les étudiants en soins infirmiers de première année inscrits à la Haute École Robert Schuman ou à l’Institut Technique de la Communauté française. Cette soirée vise à faciliter l’accueil et le bien-être des nouveaux étudiants, à renforcer les liens et la collaboration entre les étudiants des deux établissements et à contribuer à leur épanouissement dans la région. L’objectif à terme est que certains d’entre eux choisissent d’exercer leur profession dans la région après l’obtention de leur diplôme. Au programme de la soirée, trois conférences ont été proposées : la première sur l’intégration dans une équipe soignante, la deuxième sur la conciliation entre études, stages, jobs étudiants et vie privée, et la troisième sur la gestion du stress.
La première édition a eu lieu en 2024 et une deuxième est prévue en 2025.
Autre action pour les étudiants : la bourse mobilité pour les étudiants de dernière année en soins infirmiers inscrits dans une école en Belgique et effectuant leur stage en province de Luxembourg. Cette bourse prévoit une aide de 300 euros pour une période de stage de six semaines, avec un supplément de 50 euros par semaine supplémentaire. Elle vise à soutenir financièrement les stagiaires en soins infirmiers effectuant leur stage en province de Luxembourg, afin d’augmenter l’attractivité et le maintien des soignants pour lutter contre la pénurie. Elle facilite également l’accès aux stages dans la province. En plus de l’intérêt d’attirer des étudiants de l’extérieur, il est essentiel de soutenir les étudiants en soins infirmiers de nos écoles provinciales. L’objectif est de favoriser leur maintien en tant que stagiaires dans notre province et, ultérieurement, en tant que professionnels.
Nous avons également coordonné l’implémentation d’un logiciel de gestion et de planification des stages en soins infirmiers, en partenariat avec Vivalia, la Haute École Robert Schuman et l’Institut Technique de la Communauté française Centre Ardenne. Ce projet vise à optimiser l’organisation des stages sur le territoire provincial. La Province de Luxembourg a piloté les différentes étapes du projet : définition des besoins, concertation avec les partenaires, choix du prestataire et mise en place de la solution. La Province finance l’installation du logiciel au sein des trois institutions concernées, ainsi que la première année de licence, pour un montant total de 79.794,66 € TVAC.
Le déploiement est en cours, dans le cadre d’un projet pilote d’un an.
Interneo permettra de réduire la charge administrative des équipes soignantes, facilitant ainsi un meilleur accompagnement des stagiaires et un recentrage du personnel sur les soins.
Toutes ces initiatives, portées avec détermination par la Province de Luxembourg et ses partenaires témoignent d’un engagement fort et concret en faveur de l’attractivité des métiers de la santé.
Malgré les défis, les résultats encourageants obtenus ces dernières années montrent que nos actions portent leurs fruits. Nous continuerons à investir dans des solutions durables et innovantes pour garantir un cadre de travail positif au personnel et un accès à des soins de qualité à chaque citoyen.
Pour en revenir à la Convention fiscale relative aux travailleurs français, je peux vous dire que chez Vivalia, ils sont au nombre de 481 (infirmier, technicien de surface, aide-soignant, ouvrier, chauffeur, etc.). Voici la répartition du personnel par site :
- MRS Virton : 18,6 ETP dont 3,6 personnel infirmier
- 59 ETP à La Clairière à Bertrix dont 49 personnel infirmier
- Hôpital Edmond Jacques à Virton : 30 ETP dont 20 infi
- 72,3 à Libramont dont 65 personnel infi
- 168 ETP à Arlon dont 114 infi
Toutes les forces vives de la province de Luxembourg se sont mobilisées pour que le régime dérogatoire appliqué au secteur privé jusque 2033 puisse également s’appliquer au secteur public, à tout le moins dans les secteurs en pénurie.
Il faut également penser qu’en matière de traitement, l’indexation automatique des salaires et l’application des régimes IFIC rendent très attractifs les salaires pratiqués en Belgique.
Je terminerai par le témoignage de deux infirmières françaises interrogées sur TV-Lux qui valorisent le système de soins belge et sa prise en charge des patients dans leur globalité ainsi que le témoignage de B. Leroy sur un engagement en cours à Bertrix qui expliquait que des postulants habitant en France le faisaient en pleine connaissance de cause et maintenaient leur candidature malgré la question fiscale. »



